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Violences obstétricales et accouchement

Hello la compagnie, aujourd’hui on parle accouchement et violences obstétricales, mais pas que ! Autant dire que pour un sujet aussi délicat, un petit avertissement s’impose, avant de rentrer dans le vif du sujet !

Disclaimer

Qu’on soit clairs d’entrée de jeu : si je choisis aujourd’hui de traiter ce sujet, c’est parce qu’il me concerne, et pas par effet de mode ou pour taper gratuitement sur qui que ce soit. De fait, c’est forcément un sujet subjectif, puisque je vais parler de ce que j’ai vécu. Ce n’est pas un débat, seulement un témoignage.

Quand on parle de violences, qu’elles soient physiques ou morales, on a parfois tendance à oublier que l’ampleur du préjudice se mesure du côté de la victime. Libre à chacun(e) de jauger de la gravité apparente de ces violences, mais tant qu’elles impactent quelqu’un, les nier revient à apposer un jugement inacceptable.

Enfin, il ne s’agit pas dans cet article de critiquer des personnes précises, mais bien d’aborder une situation vécue comme violente. Et, dans cette situation, certaines personnes ont eu des comportements que j’ai ressentis comme violents. Ce n’est pas la personne qui est remise en cause en tant que telle, pas plus que son statut ou son travail ou je ne sais quoi encore.

Il y a probablement d’autres pincettes à prendre avant d’attaquer l’article, mais ce serait quand même dommage de laisser les avertissements prendre finalement plus de place que l’histoire en elle-même. Alors trêve de bavardages inutiles, attachez vos ceintures, et c’est parti !

Des violences physiques involontaires

On ne va pas se mentir, un accouchement, c’est super douloureux. Oui Germaine, ça fait mal. Tu douilles. Tu cries, même, des fois. Et même si, comme moi, on t’a posé la péridurale, ce n’est pas non plus une balade de santé. Contrairement à mes précédents accouchements, cette fois, la péri a fonctionné. Enfin, seulement sur la moitié gauche de mon corps. De fait, on peut considérer (enfin vous, pas moi) que j’ai eu à moitié moins mal que ce que j’aurais pu souffrir. Mais cette demi-péridurale a eu des conséquences violentes pour moi.

Parce que ma fille n’avait pas eu le bon goût de se mettre complètement dans le bon sens (merci ma chérie, je t’aime quand même), il m’a fallu adopter des positions bizarroïdes pendant tout l’accouchement pour faciliter sa descente (elle regardait vers le haut au lieu de regarder vers le bas). D’abord, on m’a fait mettre sur le côté gauche, avec un coussin entre les jambes. Quand tu ne sens pas la moitié de ton corps, mais que tu l’écrases avec l’autre moitié, ça fait bizarre. J’avais un peu de mal à respirer, dans cette position, mais ça allait encore.

En revanche, lorsqu’il a fallu me faire lever les jambes pour les appuyer sur un arceau en hauteur, les choses sont devenues plus compliquées. Ma jambe gauche ne répondant plus, totalement inerte, la sage-femme a décidé de l’attacher à la barre. Et même si ça a donné à PapaBackstage des pensées pour le moins particulières, autant dire que je n’ai pas tellement apprécié.

Sentir mon genou appuyer sur mon ventre, lui-même appuyant sur mon thorax, m’a donné une sensation d’oppression, m’a coupé la respiration, et m’a fait particulièrement mal. Et j’ai eu beau expliquer à tout le monde combien la position était douloureuse, je n’ai pas été entendue, ni écoutée. J’ai passé de longues minutes à gigoter dans tous les sens pour retrouver une respiration plus facile et moins douloureuse, alors même que la sage-femme me critiquait à haute voix auprès de la gynécologue, expliquant combien j’étais inutile, incapable de pousser, et peu coopérative.

Des actes médicaux violents

Dans le même temps, pour « faciliter les choses », la gynécologue n’a pas attendu mon consentement pour réaliser une épisiotomie. Alors même que la pratique est sujette à polémique, la réaliser sans consentement fait partie des indicateurs de violences obstétricales et gynécologiques parmi les plus répandus (voir #PayeTonUterus). Et qui en paye les conséquences, ensuite ? Les femmes qui doivent gérer, en plus du post-partum, la douleur des points, le risque d’infection, la difficulté à se mouvoir et à s’asseoir, les douleurs et appréhensions lors des rapports sexuels suivants (on parle du « point du mari » ?), et toutes les joyeusetés qui vont avec.

Et je ne parlerai pas des touchers vaginaux réalisés sans consentements (et sans prévenir)… Autant de violences physiques (et morales, mais on y vient juste après) que même le Haut Conseil à l’Égalité reconnaît dans son rapport de juin 2018.

Le déni de la douleur, une violence morale.

Puisqu’on part du principe que de toutes façons, un accouchement, ça doit faire mal, pourquoi se soucier de la douleur qui émane des pratiques obstétricales ? Les suites de l’épisiotomie ? On s’en fout, ça facilitait le passage du bébé, c’est l’essentiel. Les positions cheloues ? Idem. Et pareil pour les examens pratiqués, j’imagine. Tant que les actes obstétriques participent de la bonne arrivée de bébé, on doit les considérer comme nécessaires, salvateurs, et satisfaisants. Et en être reconnaissante, en plus, évidemment.

Ce qui signifie qu’on ne doit absolument pas se plaindre d’avoir mal dans une certaine position, au risque de s’entendre dire à quel point on gère mal son accouchement, et à quel point on est une chochotte. Tout ça dans la bouche de la sage-femme qui parle de toi à la troisième personne, comme si tu n’étais pas là. Ce manque de respect-là, de prise en compte de la parole de la parturiente, et ce déni de la douleur, c’est déjà une violence. Oui, y’a pire, mais sur le moment, ça ne participe en aucun cas à un accouchement dans les meilleures conditions.

La violence du manque d’écoute

Seconde violence, qui cette fois renvoie directement à l’horreur de notre précédent accouchement. Il va de soi que cet accouchement était particulier pour nous, parce qu’il était largement teinté de la peur que nous nous traînions depuis le départ de notre petite Luciole. Et si les choses tournaient mal, cette fois encore ? Et si, et si… Bref, s’il nous fallait une seule et une unique chose pendant cet accouchement-ci, c’était bien qu’on nous rassure. Et je dis bien « nous » : le papa autant que moi.

À mon arrivée à la clinique, la sage-femme m’a d’abord installée dans la chambre où j’étais pour notre Luciole. Ce n’est que lorsqu’elle m’a vue trembler qu’elle m’a changée de chambre. On peut penser que ce n’était pas volontaire, bien sûr, il n’empêche que ça avait été un point largement abordé pendant ma grossesse… Cela aurait dû figurer dans mon dossier.

Ensuite, il m’a fallu quasiment la supplier (après trente bonnes minutes à me les geler seule dans la pièce) pour avoir un monitoring, histoire de m’assurer que le cœur de ma fille battait bien, et correctement. J’étais pourtant le seul accouchement de la nuit… Et quand, pendant l’accouchement, le monitoring a perdu ma fille et n’arrivait plus à capter son cœur, la sage-femme n’a rien trouvé de mieux que de m’engueuler parce que je n’arrêtais pas de demander si ma fille allait bien.

Le jugement est aussi une violence morale

Tout allait bien après l’accouchement, malgré beaucoup de fatigue (je n’ai pas fait une seule nuit complète depuis juin dernier, tant la grossesse a été compliquée et parsemée de stress et de douleurs). Bien sûr, je comprends que notre histoire et nos antécédents puissent nécessiter une surveillance particulière de la part du corps médical. Mais au point de venir me voir à vingt-trois heures, dans le noir, pour me dire qu’il me faudra voir un psy direct en sortant de la maternité au risque de devenir une mauvaise mère à cause d’une éventuelle dépression à venir après le baby-blues ? Sérieusement ?

Que la question d’un suivi psy au besoin puisse être soulevée, ça ne me paraît pas idiot. Qu’on me donne les coordonnées de professionnels adaptés, je comprends tout à fait. Mais pas qu’on vienne m’arracher à ma petite bulle de jeune maman pour me rappeler ma souffrance et me remettre le nez dedans, avant de refermer la porte de ma chambre sur ma solitude et mon bébé qui pleure. Pas plus que je ne conçois qu’on donne les coordonnées du psy en cachette à mon conjoint, pendant que je me douche, en lui disant que je vais forcément aller mal plus tard et qu’il devra m’y traîner, de gré ou de force. C’est au mieux maladroit, au pire sadique.

Je passerai sur la leçon de morale d’une bonne heure que j’ai reçue par une sage-femme parce que je ne souhaitais pas allaiter ma fille. Je ne veux pas relancer le débat pro ou anti allaitement, car il m’énerve au plus haut point. J’ai allaité ma première fille, et ça s’est mal passé. Par conséquent, cette fois, j’ai choisi de faire autrement. Les raisons ne regardent que moi, la décision m’appartient, et elle ne fait pas de moi une plus mauvaise mère que les autres.

Et ce ne sont pas l’infantilisation du discours ou les menaces exprimées (ma fille va finir obèse, malnutrie, empoisonnée, et tout le tralalala) qui m’aideront à (re)devenir une fervente pratiquante de l’allaitement maternel. Pas plus que les jugements à l’emporte-pièce sur ma piètre performance maternelle. « Il faut que les femmes arrêtent de ne penser qu’à elles, si l’allaitement c’est mieux pour le bébé, elles ne devraient pas avoir le choix… » Sérieusement ?

Violences obstétricales, gynécologiques, sexistes… et patriarcales ?

Derrière la question de ces violences-là, il y a d’abord mon ressenti global sur mon accouchement. Après une grossesse particulièrement difficile, j’espérais que l’accouchement et le séjour à la maternité seraient plus simples. Plus faciles. Agréables. Mais le contexte et ce que j’ai vécu a seulement rendu cette période-là horrible pour moi. J’étais seule une bonne partie de la journée et toutes les nuits (PapaBackstage s’occupait de la grande sœur, normal !). J’étais dans ma bulle avec mon bébé, en train de faire sa connaissance, de tisser les premiers liens, de nous apprivoiser mutuellement.

Personne n’avait le droit de me voler ces moments-là. Ni les douleurs qui auraient pu être évitées (merci pour la fracture de fatigue de la hanche et la tendinite issues des penchants pro-bondage de la sage-femme, et pour la douleur des points après l’épisiotomie), ni les jugements et pré-supposés du personnel de la clinique. Pourtant, on me les a pris, et je ne les retrouverais pas. Bien sûr, ma fille va bien, et c’est le plus important. Il n’empêche que cela restera pour moi une très mauvaise expérience. On est loin du « plus beau jour de ma vie ». Sacrément loin, même.

Mais derrière la question de ces violences-là (de façon globale, je ne parle plus de moi seule) il y a aussi celle des violences sexistes et patriarcales qui émaillent la société. En tant que femme, et peut-être plus encore en tant que mère, nous y sommes toutes confrontées. Le consentement aux actes médicaux doit être obligatoirement demandé (évidemment, il y a des situations d’urgence qui peuvent le remettre en question, mais elles sont heureusement marginales). La patiente doit pouvoir être actrice de son accouchement, et non pas le subir. Elle doit être considérée comme une personne à part entière, et écoutée, pendant l’accouchement comme avant et après. La patiente n’a pas à être jugée, infantilisée, dénigrée, ou réduite à son seul rôle de génitrice. Elle doit être respectée, y compris dans son intimité (non, notre entrejambe n’est pas un phénomène de foire qu’on peut exposer à tout le monde en laissant les portes ouvertes, par exemple).

Pour finir sur une note moins négative…

Évidemment, le personnel médical est sensible à ces questions et fait de son mieux pour que les choses se passent bien. La formation des soignants les rend de plus en plus à l’écoute de ces problématiques. La société elle-même commence à bouillonner (ok, pas toujours de la bonne façon) autour des questions de consentement et de sexisme. Mais il n’empêche qu’il y a encore des progrès à faire. Chaque témoignage doit pouvoir être exprimé et entendu (et non jugé). Il n’y a qu’en prenant en considération l’ampleur des problèmes que de vraies pistes et solutions pourront être envisagées.

Papa Backstage

Découvrez un monde que vous ne soupçonniez pas. Le vomit sans l’alcool, les cernes sans l’âge et la fatigue sans la fête. Foutez tout en l’air dans la baraque, jetez ce hochet au sol et venez headbanguer au rythme du cri primal.

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